Le bon génie qui récupéra le soleil

Publié le 1 Novembre 2013

La Saison-Froide sévissait depuis très longtemps.  Une neige épaisse couvrait la terre et le vent était si vif que les orignaux, les cerfs et les bisons avaient perdus leurs cornes.

Ni les grues ni les oies n’avaient fait leur apparition.

 

On n’entendait gazouiller aucun oiseau.  Les lacs, rivières et fleuves étaient gelés et la glace recouvrait les grands arbres dépouillés de leurs feuilles.

 

Bourgeon-Fou se lamentait.  Assis au creux d’une vallée, il avait allumé un feu…

Un lièvre vint vers lui en clopinant.

-Chauffe-toi près du foyer, lui dit Bourgeon-Fou.  Le froid finira bien un jour.

 

La saison du gel durait depuis si longtemps que le petit lièvre n’en avait jamais connu d’autre.  Bourgeon-Fou le regarda d’un air soucieux.

-Le moment est venu pour moi de mettre les choses en ordre. Fréquentes-tu d’autres animaux dans les parages ?

-Oui.  Le loup, le renard, le coyote et plusieurs oiseaux.

-Alors, vas les voir et invite-les à tenir conseil.

 

Pendant la nuit, le lièvre courut aux quatre points cardinaux, transmettant les invitations.

Au matin, beaucoup d’animaux se rassemblèrent en cercle dans la vallée.

Bourgeon-Fou leur dit :

-La saison froide a assez duré.  Nous allons partir à la recherche de la Belle-Saison.

 Il est probable que quelqu’un la retienne prisonnière.  Nous devons la ramener dans notre contrée afin que les beaux jours reviennent.

 

Ils partirent tous ensemble et marchèrent durant trois lunes.  Enfin, ils arrivèrent à la limite des neiges.  Là, ils avisèrent un tipi dans une belle prairie bien verte.

Bourgeon-Fou dit à la grue :

-J’ai besoin de toi car tu voles silencieusement.  Va te percher sur la tente que tu vois là-bas.  Regarde par le trou à fumée et reviens me dire ce que tu auras vu.

 

La grue s’envola et réapparut au bout d’un moment.

-J’ai vu un sac étrange pendu à un piquet.  De ce sac s’échappaient des chants d’oiseaux.

-C’est bien ce que je pensais, conclut Bourgeon-Fou.  La Belle-Saison y est enfermée.

Puis il dit au renard :

-Toi, tu cours vite. Viens avec moi. Pendant que je parlerai à l’homme qui vit dans cette tente, tu t’empareras du sac et tu le porteras au loup. Le loup le transmettra au coyote et ainsi de suite jusqu’à ce que le sac soit hors de vue. De cette façon, peut-être parviendrons-nous à ramener la Belle-Saison chez nous.

 

Bourgeon-Fou et le renard se dirigèrent vers le tipi. Mais il était gardé par une sorte de gros lézard à poils roux. Bourgeon-Fou lui jeta une poignée de résine dans la gueule et l’étrangla. Puis il pénétra sous la tente. Un homme y faisait bouillir des herbes. Il releva la tête.

-Qui es-tu ?

-Je suis Bourgeon-Fou. Je me promenais dans la région et je suis entré par politesse.

-Et mon gardien t’a laissé faire ?

-Il s’est étranglé en voulant trop crier.

-Que veux-tu ? Tu dois venir de loi ?

-Je viens des terres froides. Il fait beau ici.

-Je détiens la Belle-Saison dans un sac.

-Pourquoi la gardes-tu pour toi seul ?

-Si quelqu’un veut la prendre, il devra me combattre.

 

Pendant qu’ils se parlaient, le renard s’empara du sac. Mais l’homme le vit et se baissa pour l’attraper. Le renard fit un saut de côté et détala, il passa le sac au loup, et celui-ci courut à en perdre haleine. Le loup donna le sac au coyote, qui prit la fuite.

-Attends dit Bourgeon-Fou à l’homme. Tu vas te fatiguer, laisse-moi rattraper ce voleur à ta place. Fume une pipe en m’attendant ici.

Bourgeon-Fou disparut derrière une colline, se mouilla le visage dans l’eau de la rivière pour laisser croire qu’il transpirait, et revint vers l’homme.

-As-tu récupéré mon sac ?

-Non, le coyote galopait trop vite.

-Que vais-je devenir? se lamenta l’égoïste.

-C’est bien fait pour toi, lui dit Bourgeon-Fou. Tu n’as pensé qu’à toi et pas assez aux autres.

 

Bourgeon-Fou partit en compagnie de ses amis.

-Nous allons voir si ce sac contient bien la Belle-Saison.

Il défit le lacet et entrouvrit le sac. Aussitôt la neige se mit à fondre et les arbres fleurirent.

-C’est le bon sac, dit Bourgeon-Fou.

Plus loin, la neige s’épaissit, alors Bourgeon-Fou coupa une longue perche, attacha le sac à un bout et le tint devant lui. À mesure qu’ils avançaient, la neige fondait, les buissons se couvraient de fleurs et l’herbe verdissait.

Mais, bientôt le loup se plaignit, ainsi que le renard et le coyote.

-Cette terre et ces cailloux mettent nos pattes à vifs, nous préférons la neige.

 

Les animaux tinrent un nouveau conseil. Le loup dit :

-Qu’avons-nous besoin de la Belle-Saison, voyez, mes pattes sont en sang.

Mais le bison, le cerf et l’orignal furent d’un autre avis, l’herbe est bien meilleure quand il fait soleil.

Bourgeon-Fou dit : Le mieux est que nous ayons un peu froid et un peu chaud. Nous ouvrirons le sac pendant vingt lunes et le teindrons fermé vingt lunes.

La grue et l’oie sauvage n’étaient pas d’accord.

-Alors vous partirez vers le sud et reviendrez quand vous voudrez dit Bourgeon-Fou.

-Et comment saurons-nous que nous changeons de saison ? demanda le bison.

-Vous saurez que la Saison-Froide tire à sa fin quand vous verrez la grue et l’oie sauvage revenir du sud. À ce moment les animaux à l’épais pelage pourront perdre leurs poils. 

 

Lorsque les oiseaux repartiront, chacun saura que l’eau va geler.

-Et moi ? dit le Vent-du-Nord, quel sera mon rôle ?

-Tu souffleras après le départ des oiseaux, durant la Saison-Froide.

-Et moi ? demanda le vent du Sud.

-Tu murmureras à la Belle-Saison quand le Vent-du Nord sera absent.

Puis Bourgeon-Fou distribua de la graisse aux animaux.

-Tenez, vous mangerez cela pour avoir chaud pendant la Saison-Froide. Maintenant, allez tous, et que chacun vive comme il lui plaira.

De ce jour, tous les animaux de la terre appelèrent Bourgeon-Fou de son vrai nom.

Ils le nommèrent Kitschikawano, car ils savaient qu’il était un bon génie.

 

Mille ans de contes

Légende de la tribu des Cree, par Ka-Be-Mub-Be

William Camus

 

 

 

 

 

Rédigé par Plume Impertinente

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S
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